- LA LÉGENDE DE QUAN ÂM - Philippe P.B. -
QUAN ÂM , divinité
Vietnamienne ,très populaire, plus
connue sous le vocable de déesse de la compassion . Le
BOUDDHISME offre plusieurs définition de la compassion. La
compassion occupe une place importante dans la pensée Bouddhique qui en
offre plusieurs définitions , je vous livrerai la plus simple qui
est attribuée à TENSIN GYATO, 14° Dalai Lama , pour qui la compassion
est le fait de se sentir concerné par le sort des autres .
Dans le boudhisme le concept de compassion est associé à celui de
Sagesse et a une place fondamentale dans le DHARMA (le terme DHARMA
vient du Sanscrit signifiant la loi naturelle ou juridique ,voir
l’ensemble des lois . Enfin dans le boudhisme il existe 3 niveaux de
compassion : un niveau matériel ,se traduisant par l’acte de don
de nourriture ; un niveau affectif , se traduisant par
le don de la sympathie et le niveau spirituel ou absolu relevant de la
réalité absolue :le NIRVANA.
Au tout début nous trouvons la déesse TARA, personnage très populaire
dans le boudhisme thibétain,en sanscrit son nom signifie littéralement
Libération. C’est une femme BODHISATTVA , BODHISATTVA est un terme
sanscrit signifiant littéralement « celui qui sauve les autres par
compassion » sattva désignant des élus humains ou de caractère
divin qui ont atteint l’état d’éveil :le bodhi.Ces êtres auraient
pu choisir de porter le nom de Boudha eveillé mais par compassion
envers le genre humain ils renoncent à leur entreé dans le NIRVANA afin
de pouvoir veiller sur les hommes, cette notion est particuliérement
reconnue dans le boudhisme sous la forme du grand chemin soit
le :MAHAYANA ;et il faut noter qu’à l’inverse le boudhisme du
petit chemin (HIMAYANA) rejette la notion de BODHISATTVA .En Vietnamien
BODISTIVA se dit BÔ TAT .Les plus grands BODHISATTVA dans le panthéon
boudhique sont AVALOKITESHVARA et MANJUSHRI qui furent de grands
Bouddhas ayant fait le choix de revenir parmi les hommes ,leur rôle
étant de faciliter l’éveil de ceux qui le recherche.
Déesse
TARA
AVALOKITESHVARA ,qui signifie en sanscrit :percepteur,observateur
apparait dans des SUTRAS datés du 1° au 2° siècle de notre ère et
serait originaire du Nord- Ouest de l’Inde l’une des caractéristiques
de ce BODHISATTVA est sa capacité d’être protéiforme en ayant la
capacité de revêtir 33 formes différentes . Dans sa représentation
première AVALOKITESHVARA était de préférence représenté sous une forme
masculine, ce serait au cours de sa pénétration en Chine qu’il
fit l’objet d’une féminisation de plus en plus fréquente, cette
féminisation est sans doute le fruit d ’une adaptation par rapport à
une grande déesse indigène antérieure au bouddhisme, c’est un
usage courant ,d’absorber des déités locales afin de les intégrer
dans ses propres pratiques religieuses.
Ce phénomène de féminisation a été total sous la dynastie SONG dont la
période s’étendit de 960 à 1279,pour l’anecdote c’est sous cette
dynastie que fut inventé le billet de banque ,la création d’une marine
de guerre et le premier usage connu de la poudre à canon ,la forme
féminine prend alors le nom de GUAN YIN. GUAN YIN est une
importante déité en CHINE , principalement évoquée en tant que
protectrice des enfants et des marins, sa représentation la plus
courante est celle d’un BODHISATTVA standard représenté en méditation
sur un lotus souvent de blanc vêtue, tenant à la main la bouteille
d’eau contenant l’eau qui purifie.
L’introduction du BOUDDHISME au Viet Nam se situe vers le 2° siècle de
notre ère ,et a été favorisé par l’existence de liens commerciaux entre
la Chine et l’Inde, c’est en remontant le Mékong que le Boudhisme s’est
largement répandu suivant les grandes voies de communication dont
la principale est le fleuve MEKONG. Le fleuve MEKONG a
véritablement porté les religions à la rencontre des peuples et c’est
en remontant son cours, que les grandes religions hindouistes et
bouddhistes ont essaimé dans toute la péninsule Indochinoise.
L’école prédominante fut celle du grand véhicule , le MAHAYANA et
se serait vers le XI° siècle que le concept féminin
d’AVALOKITESHVARA aurait été introduit sous le nom de QUAN
ÂM , si la représentation physique est quasiment constante, les
noms d’AVALOKITESHVARA ne sont pas les mêmes selon les pays ainsi, GUAN
YIN en CHINE, FOZU à TAIWAN, TCHENREZE chez les Tibétains :
Lokishvara chez les Khmers ,et KANNON au japon en ce qui
concerne ce dernier nom la légende voudrait il serait à l’origine
du nom de la société CANNON et enfin QUAN ÂM pour le VIETNAM .
QUAN ÂM n’étant pas le nom
complet il conviendrait de l’appeler QUAN ÂM
NAM HAI ce qui pourrait être littéralement traduit par QUAN ÂM de la
Mer du Sud. Pour mieux ancrer le personnage et le rendre plus
humain
,comme toutes les divinités on lui ajouta une biographie terrestre
matérialisée par deux légendes. Je vous résumerai la seconde qui est la
plus populaire . Un jour ,une femme remarqua un poil sue le menton
de son mari assoupi ,alors qu’elle voulait le couper à l’aide d’un
rasoir son époux se réveilla et crut qu’elle voulait le tuer .Il
la chassa sur le champ. Ne sachant ou aller la femme se vêtit d’une
robe de moine et se réfugia dans un monastère. Une jeune fille du
village proche du monastère remarqua ce beau moine et en tomba
amoureuse. Ce dernier repoussa ses avances. Plus tard l’amoureuse
éconduite eut un enfant avec un homme du village, elle présenta le
nourrisson au monastère prétendant que le père était le beau
moine .Le moine et l’enfant furent alors chassés et condamnés à
errer et à mendier ,ne pouvant plus revenir au Temple. Elle alla
frapper à la porte du Boudha en lui demandant pardon de ses péchés et
de pardonner à ceux qui lui avait causé du mal ,à la fin de cette
demande elle tomba sur le sol et mourut . L’empereur de CHINE émut par
cette histoire l’éleva par décret royal au rang de divinité avec le
titre de QUAM AM TONG TU « la protectrice compatissante des
enfants »
- LES DIFFERENTES
REPRESENTATIONS DE QUAN ÂM
QUAN ÂM a la particularité de pouvoir être représentée sous
plusieurs formes, c’est une des caractéristiques des BODHISATTVA qui
ont cette capacité de polymorphisme .
La plus commune
est celle
d’une jeune fille habillée de blanc , debout sur un lotus et tenant en
main la bouteille de l’eau qui purifie ,une branche de saule
dans
l’autre main, le visage pouvant être paré de couleurs ,le lotus sur
lequel elle se tient rappelle le caractère de pureté en effet le lotus
pousse dans la vase et émerge sans être souillé de cette dernière,
représentation assise ou avec des enfants ,la couleur la plus courante
est le blanc , les mains quand elles sont libres adoptent la posture
dite du don « varada » mains près du corps et paumes en
avant.
Une autre représentation
est celle d’une divinité à 1000
bras avec un œil dans la paume de chaque main montrant ainsi
qu’il
veille sur une infinité d’êtres, tous ses bras symbolisent la
compassion multidirectionnelle en action. L’on trouve également des
représentations de QUAN ÂM avec un enfant dans les bras affichant un
aspect souriant c’est ce dernier aspect qui la rend la plus européenne
aux yeux des occidentaux .
QUAN ÂM est une déesse très populaire au Vietnam et elle est
présente dans toutes les pagodes . La première pagode qui lui a
été consacrée aurait été érigée en l’an 1049 dans la province de
BO DINH ,cette dernière fut détruite par les français et
reconstruite à l’identique plus tard. La fête
d’AVALOKITESHVARA QUAN AM a eu lieu du 9 mars au 11 mars
2012, soit du 17° au 19° jour du 2° mois lunaire , à DA NANG dans la
pagode dédiée à la divinité . C’est en 1960 que cette fête eu lieu,
pour la première fois d’une façon officielle l’occasion étant
l’inauguration de la statue de la déesse de la compassion dans la
grotte de HOA NGHIEM sur le mont THUY SON, ce promontoire est considéré
comme l’un des cinq pics de la céleste montagne .Cette célébration se
devait d’être régulière mais le VIETNAM traversa des heures noires et
ce n’est qu’en 1991 qu’elle fut à nouveau célébrée et depuis cet
événement est devenu régulier et surtout plus important d’année en
année. La prière adressée à l’attention de QUAN ÂM est sous la
forme d’un mantra ce mantra spécifiquement associé à AVALOKITESHVARA
est l’un des mantras les plus connus :
OM MANI PADME HOUNG
OM : s’adresse au corps ,à la parole et à l’esprit des BODHISATTVAs
MANI : SYMBOLE DE LA COMPASSION
PADME : signifie Lotus , symbole de la connaissance
HOUNG : représente les 5 sagesses .
Le thème de la compassion à également son propre symbole , dans le
boudhisme il existe 8 symboles principaux à caractère auspicieux et
dérivant tous de l’iconographie indienne, ces symboles sont la
représentation des offrandes des dieux faite au boudha après son
illumination ,le symbole de la compassion est représenté par la
figure dite de l’éternel nœud représentant la loi immuable de la cause
à l’effet et l’union de la compassion.
- QUAN ÂM ET SES
ANALOGIES :
L’on est tenté quelquefois de faire un rapprochement entre la
divinité Boudhiste QUAN AM et le personnage chrétien de la Vierge
Marie. Il est vrai que les analogies d’apparence sont là pour en
accentuer l’effet tant sur le plan représentatif que sur le plan
spirituel mais je pense que les comparaisons s’arrêtent là, comme nous
l’avons vu plus haut , les divinités qu’elles soient du monde boudhique
, catholique ,ou autre sont souvent le résultat d’un processus de
superposition ,ayant pour but la domestication d’une croyance ou d’une
divinité antérieure .Les religions de toute obédience ,quoique que dans
le Boudhisme l’on ne puisse parler de Religion au sens européen, ont
souvent mis en œuvre ce principe .QUAN ÂM fut ainsi souvent récupérée
par les catholiques et plus particulièrement les Jésuites.
Une petite anecdote pour souligner le trait : les Jésuites qui
subissaient quelques persécutions se sont mis à remplacer les statues
de la Vierge Marie par celles de la divinité QUAN ÂM , avec
cependant une petite différence ,la présence d’une croix gravée à
un endroit peu visible de la statue, c’est la présence de ce signe qui
permet d’identifier des statues de QUAN ÂM ayant appartenu à des
confréries Jésuitiques.
Les seules analogies que l’on pourrait envisager avec d’autres
panthéons seraient les personnages de FATIMA fille du prophète et
ISIS . La compassion est souvent associée à d’autres philosophies
,pour les chrétiens la compassion est associée avec le personnage de la
Vierge Marie, pour l’ Islam l’acte de compassion est l’acte de la
ZAKAT concept complémentaire du processus du Ramadan ,pour le judaisme
le personnage de RUTH est associée à la compassion.
L’association d’un personnage féminin avec le concept de compassion se
retrouve dans diverses civilisations ,ainsi dans le monde sumero
babylonien vers 1900 avant notre ère une divinité similaire est
décrite, dans le monde Egyptien nous trouvons ISIS DEMETER chez les
Grecs .En Europe suite au développement d’une certaine spiritualité de
la compassion, conjugué à l’effet des croisades eut pour effet de
donner un rôle social plus important aux femmes et c’est tout
naturellement que le personnage de la Vierge Marie fut si je peux
m’exprimer ainsi élevé en déité de la compassion et qui par
extension donna le grand thème de la Mater Dolorosa.
La notion de compassion est elle présente en Maçonnerie comme
composante de notre idéal ? Notre art nous enseigne l’amour fraternel,
la recherche de la Vérité ainsi que l’application de la justice, être
maçon ne consiste t il pas à appliquer cet amour dans notre vie
quotidienne en aidant les gens dans le besoin, en pratiquant la charité
, cependant il convient de ne pas confondre la charité qui est un acte
que je qualifierai de physique, avec la compassion qui serait plus à
considérer comme une attitude de pensée , la pensée sous peu qu’elle
soit organisée tendra vers l’action, la charité serait la partie
physique la compassion la partie philosophique la charité ne
serait- elle pas en quelque sorte la mise en application matérielle de
l’état de compassion ? .
Les mythes et légendes quel que soit leur
origine ont ceci de commun, le fond est identique , à savoir celui
d’exalter des qualités humaines et procèdent toujours d’un même
principe :une source et ses émanations.
Déesse reconnue et populaire QUAN ÂM est l’ une des figures du panthéon
Vietnamien la plus vénérée, incarnation de la compassion , elle
personnifie la lutte du bien contre le mal, la victoire de la justice
sur l’injustice et ce à tel point que ses qualités intrinsèque sont
passées dans le langage courant ,en désignant comme une incarnation de
QUAN AM, une personne ayant un coeur généreux .
La compassion est vertu méconnue, peut- être parce que dans
l’imaginatif de plus en plus restreint de notre société ,elle est
rattachée à une notion de faiblesse ,n’ a-t-elle pas
pleinement sa place dans la philosophie maçonnique ? mais a-t-elle
encore sa place dans notre société actuelle ? En attendant le
message qu’elle véhicule en complète adéquation avec notre
appartenance ,la compassion au final, nous la pratiquons souvent ,sans
le savoir, en pratiquant le principe de fraternité . Ce
principe de fraternité de plus en plus fragilisé mais qui constitue
notre ciment, la pensée de QUAN AM n’est pas si éloignée de la notre
,et démontre sans peine nous pourrions l’incorporer à notre
symbolisme , après tout l’une de nos fonction n’est elle pas de
rassembler ce qui est épars. Les continents et les civilisations
ne sont pas des obstacles aux grandes idées. Une
citation de ZHANG XIANTLANG, pour clore cette planche « la
compassion fait agir alors que la faiblesse rend craintif ».
Philippe
P.B